Connue historiquement pour son action en matière de coopération académique, l’Agence marocaine de la coopération internationale (AMCI) s’est transformée au fil des ans pour devenir un centre de rayonnement de l’expertise du Royaume en Afrique. L’Agence est financée par une dotation du budget de l’Etat mais elle mobilise aussi des financements internationaux auprès des bailleurs de fonds étrangers dans le cadre de la coopération triangulaire. Pour la mise en œuvre de ses programmes, elle s’appuie sur un réseau de partenaires techniques. Les métiers de l’Agence vont du renforcement des capacités (formation continue) au développement humain et l’action humanitaire. Son directeur général, Mohamed Methqal, explique les clés du succès de cette mutation.
- L’Economiste: Quels sont aujourd’hui les métiers de l’Agence marocaine de la coopération internationale?
- Mohamed Methqal: A sa création en 1986, l’Agence était exclusivement centrée sur la coopération académique et culturelle à travers la gestion du programme national d’accueil et de bourses déstiné aux étudiants étrangers du Royaume.
Actuellement, nous accueillons 13.000 étudiants étrangers à travers le canal de la coopération dont 11.000 proviennent de 47 pays africains. 85% des étudiants africains sont boursiers du Maroc. Depuis 1986 à la création de l’AMCI jusqu’à fin 2018, au total 30.000 lauréats originaires de 47 pays africains ont été formés au Royaume via le canal de la coopération.
Si ce volet formation était historiquement le métier le plus visible de l’Agence, notre portefeuille d’activités s’est élargi depuis l’intronisation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI en 1999. L’Agence a alors pris une toute autre dimension, Sa Majesté ayant fait de la coopération Sud-Sud un pilier majeur de la politique étrangère du Maroc. En plus du volet académique, l’AMCI, qui agit en étroite coordination avec le ministère des Affaires étrangères, est devenue très active dans le développement de la coopération technique et le renforcement des capacités, l’assistance technique dans la réalisation des projets de développement humain et le déploiement des actions humanitaires à l’international.
Dans le programme de la coopération technique par exemple, nous venons de partager à travers l’Agence, l’expérience et l’expertise du Maroc dans la santé maternelle avec Djibouti. L’ensemble des sages-femmes de ce pays a été formé durant deux ans à la prise en charge des naissances compliquées par les médecins du centre de reproduction rattaché au CHU Avicenne de Rabat.
- Ces actions de proximité qui touchent au plus près les populations sont peu connues.
- Vous avez raison d’évoquer ce point, mais il est important de noter que le Maroc ne cherche pas à faire de la «publicité» dans sa coopération, mais le but principal de nos actions c’est de contribuer à l’amélioration des conditions sociales et humaines de vie ressenties par les populations, à la réduction de la pauvreté et à la formation de la jeunesse. Le programme de santé maternelle et néo-natale conduit à Djibouti en est une illustration parfaite. Il a permis de réduire sensiblement la mortalité infantile dans ce pays. Et nous en sommes vraiment très fiers. Nous travaillons sur plusieurs autres projets de ce type.
- D’où proviennent les ressources qui financent vos programmes?
- Ce n’est pas le facteur le plus important mais c’est surtout leur impact. Je pense que nous sommes impactant dans ce que nous faisons. Prenons l’exemple du projet de santé maternelle à Djibouti, où le programme de coopération académique ayant permis de former au Maroc 30.000 étudiants africains dont un peu plus d’un millier d’entre eux occupent des fonctions clés dans leurs pays. Actuellement, ils sont 30 ministres dans les différents gouvernements africains dont 2 au département des Affaires étrangères. C’est cela la consécration de cette coopération solidaire entre pays du sud qui donne des résultats à fort impact.
Aujourd’hui nous travaillons pour capter plus de financement auprès des partenaires nationaux et des bailleurs internationaux avec lesquels nous développons des programmes de coopération. Par exemple, le projet réalisé à Djibouti a bénéficié du soutien de la BID. De même, l’étude qui a permis d’élaborer la cartographie des centres d’excellence au Maroc a également été financée par la BID. Nous travaillons à multiplier les partenariats internationaux dans le cadre d’une coopération triangulaire au profit du continent africain. Dans chaque programme inscrit dans ces schémas, l’expertise marocaine va être placée par l’AMCI au cœur de la réalisation. L’aide publique au développement se situe autour de 160 milliards de dollars par an. Il y a donc des fonds à capter. Il faut juste apporter des programmes adéquats assortis d’une bonne ingénierie ainsi que de bons contenus en termes d’impact social et en forte relation avec les Objectifs de développement durable.
- Ce réseau d’«anciens du Maroc» est un vivier de soft power pour le Royaume…
- La politique africaine du Maroc n’est pas conçue pour constituer un quelconque soft power sur le continent mais elle est basée sur la solidarité agissante avec nos partenaires. Comme l’a rappelé Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans son discours lors du retour du Maroc à l’Union africaine en janvier 2017 «Mon pays partage ce qu’il a, sans ostentation». C’est dans cette vision que s’inscrivent les actions de coopération, et c’est dans cette volonté que la vocation de l’AMCI s’est institutionnalisée pour promouvoir le capital humain et le développement durable.
- Vous êtes au carrefour de plusieurs administrations. Comment se passe la synchronisation si souvent difficile.
- Nous ne souffrons pas du cloisonnement que l’on reproche souvent aux administrations, et ce pour une simple raison: l’Agence connaît parfaitement le périmètre de sa mission. Les expertises qu’elle utilise sont logées chez ses partenaires techniques. Nous ne sommes pas concurrents, mais nous sommes dans la complémentarité au service du renforcement de la coopération.
Dans le cadre de la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour la promotion de la coopération Sud-Sud, le Maroc a réussi à développer un écosystème d’acteurs diversifiés et engagés dans la promotion de la coopération Sud-Sud. On y retrouve des opérateurs publics (administrations et établissements publics), privés, des acteurs du secteur financier, mais aussi, des acteurs de la société civile. Aujourd’hui, l’AMCI est en train de travailler pour fédérer ces acteurs. Le but est d’arriver à l’institutionnalisation d’un réseau national des acteurs engagés dans la coopération Sud-Sud de manière à fédérer nos efforts et construire ensemble des initiatives conjointes. Le lancement de ce réseau est prévu le 25 mai 2019 qui coïncide avec la Journée de l’Afrique.
Pour devenir partenaire technique de l’Agence
Les partenariats avec l’AMCI sont ouverts aux acteurs qui disposent d’une expertise avérée et ambitionnent de s’engager dans une coopération Sud-Sud agissante. A cet effet, l’Agence vient de mener une étude qui a permis d’identifier 8 secteurs prioritaires où le Maroc dispose d’une expertise réplicable en Afrique: l’eau, les mines, l’énergie, l’agriculture, l’industrie, le transport, la santé et l’éducation. Au sein de ces secteurs, cinquante-neuf centres techniques publics et privés avaient postulé pour être référencé dans le réseau de partenaires techniques. Ils ont été évalués dans le cadre d’un scoring très rigoureux. Au final, trente-cinq ont été retenus. Selon le directeur général de l’AMCI, «la suite sera de passer d’un catalogue de centres d’excellence à un catalogue des formations et des expertises de ces structures». Une nouvelle sélection sera réalisée dans deux ans.