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Déconcentration: Le chantier remis au frigo?

13 janv. 2020 L'Economiste

Les schémas directeurs de la Charte de la déconcentration viennent d’être validés. Chaque ministère a préparé le sien, avec des exigences de transfert des compétences. Ainsi, tout ce qui est opérationnel doit être transféré au niveau régional et provincial.

Avant de quitter le ministère de la Réforme de l’administration et la fonction publique pour le département de la Justice, Mohamed Benabdelkader a été on ne peut plus clair: l’objectif final étant de rapprocher l’administration des citoyens et des entreprises.

Aujourd’hui, l’opération des schémas directeurs est terminée, le chef du gouvernement, qui préside la Commission interministérielle de la déconcentration administrative, s’est donné une période de 3 ans pour réussir le transfert des compétences des ministères vers les régions. C’est trop lent pour un chantier recommandé par le Roi.

Or, Saâdeddine El Othmani est conscient que 2021 est une année électorale par excellence. Donc, ce chantier de la déconcentration sera mis en veilleuse et refilé au gouvernement qui viendra par la suite. Visiblement, cette manière de fonctionner ne donne pas la priorité aux résultats. Dans ce cas d’espèce, la bonne gouvernance aurait dicté une autre ligne de conduite: continuer sur la lancée pour concrétiser cette opération au cours de cette année. 

Du côté de la Commission interministérielle, on fait valoir ce délai pour réussir la mise en œuvre de la Charte de la déconcentration. Maintenant que les schémas sont validés, le chef du gouvernement doit créer, par décret, des groupements au niveau régional.

Le directeur régional assimilé à un directeur central du ministère

Chaque administration doit analyser tout ce qu’elle doit transférer vers les régions. Il ne s’agit pas de déléguer des attributions, qu’on pourra reprendre à tout moment. Mais le transfert est irréversible. Pour cela, il faut des compétences assez formées, ouvertes sur l’administration centrale et expérimentées.

Le statut du directeur régional sera assimilé à un directeur central du ministère. Il peut aussi être le directeur d’un groupement d’administrations au niveau régional. C’est lui qui sera l’interlocuteur du wali et du ministre. La situation du ministère des Finances, qui dispose de la DGI, la TGR, la Douane et les Domaines au niveau territorial, est particulière. Pour la contourner, il sera question de nommer un seul coordinateur pour les quatre grandes directions.

Le cas du ministère de l’Agriculture, des Pêches maritimes et des Eaux et Forêts, est différent. Demain au niveau régional, le transfert des compétences risque de multiplier les services déconcentrés avec un représentant pour l’agriculture, au autre pour les pêches et un dernier pour les eaux et forêts, sachant que les trois départements ont chacun un secrétaire général.

Pour faciliter la convergence de l’ensemble, il est impératif de créer des regroupements de départements, voire de ministères au niveau régional. Des voix s’élèvent pour conseiller d’aller progressivement pour réussir la réforme.

Seulement, la nomination du directeur régional est une autre paire de manches. Pour qu’il puisse bénéficier de ce statut, il est impératif de changer le cadre juridique. Car, le directeur régional sera nommé dans le cadre du Conseil de gouvernement.

Pour cela, une modification a été apportée à la loi organique relative aux emplois supérieurs. Le dernier Conseil des ministres l’a validée. C’est autour des deux Chambres du Parlement de l’approuver. Pour l’heure, elle n’a été programmée dans aucune commission.

Repenser l’organisation au niveau central

Alors pourquoi le chef du gouvernement n’intervient pas auprès de sa majorité pour accélérer la cadence au niveau législatif pour l’adopter et la publier au Bulletin officiel dans les plus brefs délais? Ce savoir-faire lui manque affreusement, et il préfère différer les rendez-vous décisifs à des dates ultérieures.

En tout cas, la programmation des transferts des compétences vers les régions suppose un chamboulement de l’organisation au niveau central. Celle-ci doit être repensée. Ainsi, la volonté de garder l’architecture gouvernementale avec le même nombre de ministères existe ou bien il faudra laisser tomber l’exécutif ramassé après les élections législatives de 2021?

Au niveau international, certains pays figent l’organigramme du gouvernement dans la Constitution. D’autres lui ont consacré une loi. Au Maroc, le nombre de portefeuilles varie selon le nombre de partis composant la majorité. Souvent, l’architecture de l’exécutif est perçue comme un accordéon pour faire plaisir aux dirigeants politiques.

Embouteillage de SG, de DRH, de directeurs....

Après le dernier remaniement du gouvernement, plusieurs ministères fonctionnent avec trois secrétaires généraux et autant de directeurs des ressources humaines, de budget,… C’est le cas des Finances qui a absorbé la Réforme administrative, les Affaires générales et la Gouvernance. Idem pour le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture qui englobe également l’ancien département de la Communication. Le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle fonctionne aussi avec 3 secrétaires généraux et une multitude de directions.

D’autres ministères tournent avec 2 secrétaires généraux. C’est le cas de l’Equipement et l’Eau, l’Habitat et l’Aménagement du territoire, l’Energie et l’Environnement, les Affaires étrangères et les MRE, les Droits de l’homme et les Relations avec le Parlement.

La mise en place d’un nouveau schéma organisationnel dans chacun de ces ministères est impérative. Elle permettra de rationaliser les dépenses et de mutualiser les moyens au niveau central. Cette affaire relève aussi des attributions du chef du gouvernement.

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