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Delattre Levivier Maroc : Le management décidé à se battre, le syndic semble y croire

14 janv. 2020 Le Boursier

Poursuivre l’activité, maintenir les emplois et apurer le passif. Trois maître-mots pour aiguiller l’avenir de Delattre Levivier Maroc. En difficulté, le constructeur métallique entame ses premiers jours sous le régime de la sauvegarde, acté par un jugement daté du 19 décembre.

DLM a opté pour cette procédure pour dépasser ses "difficultés temporaires", assure son syndic Fahd El Mjabber. Introduit lors de la récente réforme du livre V du code de commerce, ce dispositif vise à inciter "les entreprises à communiquer sur leurs difficultés avant que celles-ci ne s’aggravent", ajoute le jeune expert-comptable.

On agit sur la maladie tant qu’elle est bénigne, et pour éviter la métastase. Car DLM est bien en difficulté, mais n’est ni en cessation de paiement, ni et encore moins dans une situation irrémédiablement compromise. D’où la procédure de sauvegarde, et non de redressement ou de liquidation.

Le syndic Fahd El Mjabber

La société est actuellement en « période d’observation ». Elle le sera jusqu’à présentation d’une « solution », formalisée dans « un plan de sauvegarde » qu’elle devra soumettre au syndic. Lequel l’adjoindra à un rapport plus global que ce dernier présentera, à son tour, au tribunal de commerce. Dans le futur document, l’administrateur judiciaire proposera soit « l’approbation » du plan ou « sa modification », soit le redressement de l’entreprise ou sa liquidation.

Période d’observation rime avec « bouffée d’oxygène ». Tant qu’elle n’a pas été bouclée, elle emporte interdiction de « toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant :

- à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent

- à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. »

La procédure arrête aussi toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles (Article 686 de la loi 73.17 abrogeant et remplaçant le livre V du code de commerce). 

De quoi « assurer la continuation des contrats en cours et financer des projets nouveaux sans qu’ils soient préemptés par des saisies ou autres démarches judiciaires », espère Eric Cecconello, Directeur général de DLM.  Ce dernier fait valoir « des contrats en cours estimés à 1,6 MMDH, dont 750 MDH restent à acter dans nos comptes ». Il annonce qu’une étude interne évalue, sur les quatre prochaines années, à 4 MMDH le potentiel des investissements qui entrent directement dans le cœur de métier de DLM. « Il y a du boulot, il faut aller le chercher », clame-t-il.

Sans possibilité d’actions individuelles (sauf pour les créances nées ultérieurement au jugement de sauvegarde), les créanciers sont donc appelés à déclarer leurs dus dans le cadre de la procédure collective. Et c’est DLM elle-même qui invite : « Nous avons contacté les créanciers un par un pour déclarer leurs créances. Sur les 500 existants, 450 ont déjà accusé réception », assure M. Cecconello.

Une démarche saluée par le syndic, qui insiste sur « la transparence » de la procédure. D’où l’importance de la communication. Avec les créanciers d’abord, mais également avec l’opinion publique. Pour une entité qui fait appel public à l’épargne, cela coule source. Après Stroc Industrie, DLM est la deuxième société cotée en bourse à bénéficier de la sauvegarde. 

Informer les créanciers est une chose, les associer à la prise de décision en est une autre. « Les créanciers seront directement impliqués dans l’élaboration du plan », promet M. El Mjabber. Une démarche qui vise à garantir leur adhésion aux futures échéances. C’est aussi une manière de pallier le risque éventuel de contestation. « Nous ne sommes pas dans une logique de redressement, où une entreprise prépare elle-même le plan en se contentant de consulter ses créanciers », observe notre interlocuteur. Ici, « la société réalisera un plan en coordination avec les créanciers avant de le soumettre au syndic ».

Un "projet  de plan" a été présenté au tribunal à l’occasion de la requête introductive. Le plan définitif devra tenir compte des créances déclarées et éventuellement négociées (abandons, remises, rééchelonnement, etc.). Les prochains mois s’annoncent en ce sens décisifs. Et pourraient engager les parties pour les 5 années qui suivent (délai maximum pour l’exécution du plan).

DLM fait face à une ardoise de 330 MDH. Un chiffre qui ne comprend que les dettes fournisseurs nées avant le jugement de sauvegarde. Le montant définitif, qui englobera également la dette financière, sera arrêté après déclaration des créances.

DLM est une entreprise débitrice, mais elle est également créancière. A en croire son management, ses difficultés sont d’ailleurs le résultat de deux affaires qui ont tourné au conflit. La première a débouché sur une sentence arbitrale accordant 70 MDH à DLM. Une somme qui ne représente même pas la moitié de la perte invoquée, « qui est de l’ordre de 180 MDH », rappelle Younes Jermoumi, directeur financier du groupe. Sachant que sur le montant de la condamnation, DLM n’a pour l’heure recouvré que 50 MDH.

Un second dossier est, lui, en cours de négociation. Et c’est « le manque de visibilité sur ce deuxième volet qui nous a conduit à demander la sauvegarde », confie pour sa part M. Cecconello.  Les deux « affaires représentent un trou de plus de 300 MDH. Cet argent a été dépensé par DLM sur des projets finalisés et qui tournent », déplore son directeur financier.

Pour le syndic, « l’objectif est de régler le passif », tout en développant l’activité de l’entreprise. Car il ne s’agit pas seulement de sauvegarde, mais de « restructuration ». En ce sens, des actions sont de mise. Certaines impliquent « un redéploiement de l’actif », en cédant ceux « qui ne sont pas nécessaires à l’exploitation pour pouvoir financer d’autres projets ». A ce titre, DLM prospecte un acquéreur pour sa filiale ivoirienne. Même si « les recherches en Cote d’Ivoire qui s’annoncent longues », explique le DG de l’entreprise.

« Depuis l’été dernier, nous avons cédé trois filiales, des petites sociétés en volume. L’impact comptable de ces opérations est minime, mais cela nous permet aujourd’hui de mieux nous concentrer sur nos métiers de base », explique M. Cecconello.

Reste une question primordiale : Le sort des salariés. DLM en compte 850, dont plus de 200 en contrat à durée déterminée. « Nous avons une structure de ressources humaines qui présente des similitudes avec celle des BTP. Nos effectifs varient donc en fonction des projets. Il s’agit d’adapter nos effectifs à notre activité réelle des trois années à venir », estime M. Cecconello.  

« La restructuration de l’entreprise ne conduit pas forcément à des licenciements, mais pourrait en revanche impliquer un redéploiement des effectifs », soupèse Younes Jermoumi, CFO du groupe.

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