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Délibérations décisives sur le secret professionnel

17 févr. 2020 L'Economiste

La protection des données person­nelles des citoyens est un chantier perma­nent. Cette obligation légale est connexe à un projet en cours chez l’Autorité chargée de la protection de la vie privée (CNDP). En effet, elle compte délibérer sur le secret professionnel.

Les futures deux décisions de la CNDP seront basées sur deux lois distinctes. Celle relative au droit d’accès à l’information et celle protégeant la vie pri­vée. Chacune des délibérations sera rendue séparément par les deux instances que pré­side Omar Seghrouchni.

Des consultations ont déjà eu lieu avec l’Ordre des médecins. La CNDP a également sollicité les notaires et les avocats sur leur perception du secret professionnel et la pratique qui en découle. «De fortes réticences ont été constatées au début de nos échanges. Ces professions réglementées et assermentées se sont consi­dérées non concernées par la loi n°08-09 protégeant les données personnelles. Il y avait un écart de compréhension», confie l’instance créée en 2010.

Quiproquo autour d’une loi

Une sorte de quiproquo entre l’obliga­tion du secret professionnel et la loi sur la protection des données personnelles. La CNDP a dû expliquer aux praticiens qu’elle s’intéressait plutôt au «traitement générique» des données des clients et patients: type de données collectées, droit d’accès aux fichiers, traçabilité, archivage...

Fixé initialement pour l’été 2019, le dé­lai pour délibérer sur le secret professionnel a été dépassé. La présidence de la CNDP reconnaît «avoir sous-estimé la masse de travail» préalable à ses décisions et l’effort que cela exige «dans la conduite du chan­gement nécessaire pour accompagner les professionnels». Elle semble visiblement «déterminée» à aller de l’avant. «Il y a un changement de méthodologie. Auparavant, l’audition des parties concernées n’était pas formellement associée aux délibérations», soutient l’instance.

Par ailleurs, d’autres régimes juridiques entrent en jeu dans ce dossier. Celui qui vient d’emblée à l’esprit est le code pénal. Son article 446 punit «de l’emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 1.200 à 20.000 DH» la violation du secret professionnel.

Cette disposition ratisse large dans la communauté médicale en s’appliquant exclusivement aux médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes, fonctionnaires... Citées à té­moigner devant les autorités judiciaires ou administratives, ces professions du monde médical «demeurent libres de fournir ou non leur témoignage» dans certains types d’affaires: délits, mauvais traitement contre un mineur, une épouse...

Les autres professions assermentées sont évidemment soumises au secret profession­nel. Le pénaliste Rachid Diouri évoque le secret professionnel «le plus absolu» et qui «ne couvre pas la dénonciation des crimes et délits au risque d’être complice par omis­sion». Un client doit par ailleurs «autoriser expressément» son conseil pour parler de son dossier et encore, «le feu vert du bâton­nier est indispensable», précise Mr Diouri.

Mais la société d’information est là: «Le risque d’une fuite devient très élevé avec les réseaux sociaux et le secret professionnel assez élastique lorsqu’il s’agit par exemple d’affaire judiciaire médiatisée. La révolu­tion numérique rend cette notion obsolète. Il faut la repenser», analyse notre interlocu­teur. L’Association des barreaux du Maroc a été ainsi appelée à s’exprimer sur ce sujet.

La CNDP projette, en partenariat avec le barreau de Casablanca, d’organiser un séminaire, d’élaborer un guide de bonnes pratiques pour les avocats et de signer une convention. Pourquoi avoir choisi ce bar­reau parmi les 17 qui existent? «Il a été le plus réactif», selon la CNDP.

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