Le marché des carburants demeure fortement concentré, dominé par neuf entreprises qui contrôlent près de 81 % de la capacité de stockage pour le diesel et l’essence à travers le royaume.
Ce constat, publié dans le dernier rapport du Conseil de la concurrence, met en lumière une situation qui persiste en dépit des efforts apparents pour diversifier les acteurs du secteur.
Selon les données du Conseil de la concurrence, aucun nouvel opérateur n’a pu entrer sur le marché marocain au cours du deuxième trimestre 2024, et le nombre de détenteurs de licences provisoires s’est maintenu à 35 depuis mars dernier.
Ce statu quo s’explique en partie par les barrières structurelles et économiques qui rendent difficile l’accès pour de nouveaux entrants, limitant ainsi la dynamique concurrentielle du marché.
Le Conseil souligne qu’à la fin du premier semestre 2024, la capacité totale de stockage en carburant du pays avait atteint 1,5 million de tonnes, dont 86 % sont consacrés au diesel.
Les neuf principaux distributeurs monopolisent environ 1,21 million de tonnes, un volume qui illustre leur prépondérance sur le marché et la stabilité de leur position face aux tentatives de diversification.
En dépit d’une nouvelle licence de distribution accordée par le ministère de l’Énergie en octobre 2023, l’expansion de nouveaux acteurs reste marginale, confrontée à des obstacles réglementaires et financiers.
Les nouveaux entrants potentiels se heurtent ainsi à des défis de taille : le coût élevé des infrastructures de stockage, la difficulté d’obtenir un réseau de distribution à large échelle, et une réglementation qui, bien que transparente, ne favorise guère les petites structures concurrentielles.
Cette concentration pose une problématique de fond sur le plan de la concurrence, car elle risque d’entraver la création d’un environnement concurrentiel sain. Le Conseil de la concurrence avertit que la domination exercée par ces entreprises limite non seulement la croissance des entreprises cherchant à s’implanter, mais peut aussi restreindre les choix offerts aux consommateurs marocains.
L’absence de concurrence réelle pourrait en effet freiner l’innovation dans le secteur et maintenir les prix des carburants à des niveaux relativement élevés, au détriment du pouvoir d’achat.
Le rapport trimestriel du Conseil met en exergue l’importance d’un suivi rigoureux et d’une transparence accrue pour veiller au respect des normes du marché.
Les neuf entreprises dominantes ont consenti à fournir des rapports réguliers dans le cadre d’un accord de conformité signé avec le Conseil, une initiative qui vise à renforcer la transparence sur les activités et la structuration des prix.
Cependant, le Conseil déplore que cet effort de transparence, bien que nécessaire, ne suffise pas à redynamiser le marché en l’absence de réformes structurelles plus audacieuses.
L’appel à une réforme du cadre réglementaire
Dans ce contexte, le Conseil de la concurrence invite les autorités à réexaminer le cadre réglementaire régissant le marché des carburants au Maroc.
La création d’incitations pour les nouveaux opérateurs pourrait notamment se traduire par une politique de soutien financier, un assouplissement des contraintes administratives et une facilitation de l’accès aux infrastructures de stockage et de distribution.
De telles mesures pourraient encourager l’entrée de nouvelles entreprises, rendant ainsi le marché plus concurrentiel.
Par ailleurs, l’implémentation d’un mécanisme de contrôle plus rigoureux des pratiques commerciales des acteurs existants pourrait contribuer à atténuer le risque d’abus de position dominante.
Le Conseil recommande également d’optimiser l’usage des ressources nationales en matière d’énergie pour limiter la dépendance aux importations et stabiliser le marché des carburants à long terme.
L’impact de cette concentration se fait également sentir au niveau macroéconomique. Le marché des carburants, en raison de sa place centrale dans l’économie, a un effet multiplicateur sur les coûts logistiques et industriels, avec des répercussions sur l’ensemble des secteurs d’activité.
Une régulation accrue permettant une réelle concurrence pourrait ainsi, à terme, soutenir la croissance économique en réduisant les coûts de transport et en facilitant l’accès à des carburants à des prix compétitifs, soutient le Conseil.